Crise sanitaire 16 déc 2020

Le juste équilibre entre urgence culturelle et urgence sanitaire

La SACD se mobilise avec d'autres organisations pour contester devant le Conseil d'Etat la prolongation de la fermeture des théâtres, salles de spectacle et cinémas

Alors que le Gouvernement a officialisé la prolongation de la fermeture des théâtres et des salles de spectacle jusqu’au 7 janvier a minima, la SACD vient de déposer un recours en référé devant le Conseil d’État, avec de très nombreuses organisations professionnelles du monde de la création et de la culture, pour contester cette décision inique, disproportionnée, prise sans le moindre fondement scientifique et adoptée sans aucune concertation. Comme l’a reconnu le Premier ministre sur Europe 1 hier matin : voir les magasins bondés alors que les théâtres et les cinémas restent fermés « est une injustice que je peux comprendre ».

La SACD s’est également jointe au recours initié et porté par la Fédération Nationale des Cinémas Français pour des raisons identiques et face à des conséquences aussi nuisibles pour la création et la diffusion cinématographique.

Au regard des efforts fournis par les professionnels pour adopter des protocoles sanitaires extrêmement stricts, de l’absence de données scientifiques témoignant d’une dangerosité particulière des lieux de spectacle, aucun cluster n’ayant par exemple jamais été identifié, la SACD est convaincue que l’objectif de protection sanitaire des français, que chacun partage, peut être atteint par des mesures qui ne remettent pas en cause, de façon aussi générale et brutale, la liberté de création, de communication, d’expression et d’entreprendre.

Au-delà des principes de droit qui fondent notre République et qui doivent préservés, le gouvernement prend aussi une lourde responsabilité en adoptant une mesure totalement disproportionnée d’interdiction de jouer et de représenter des spectacles.

La culture souffre depuis des mois : le spectacle vivant est exsangue ; le cinéma est désemparé. Dans ce contexte, la prolongation de la fermeture des cinémas et des théâtres sonne comme un nouveau coup de massue. Elle est injuste à l’égard de créateurs, d’artistes, de cinémas, de théâtres et de compagnies dont beaucoup sont déjà plongés dans des situations de grande précarité et dont certains ne pourront pas reprendre leurs activités de création, de production et de diffusion.

Face à la gravité des conséquences économiques, sociales et culturelles, il est regrettable que le gouvernement ne soit pas en capacité d’appuyer son raisonnement sur des arguments et des données scientifiques étayés et approfondis et en soit réduit à se justifier par la seule volonté d’éviter les brassages et les flux de population. À ce jour, le Gouvernement n’a rendu public aucune étude ou avis scientifique recommandant la fermeture des lieux de spectacles ou des salles de cinéma alors que la quasi-totalité des lieux ouverts au public est dorénavant accessible aux Français.

La démarche manque de rigueur et de cohérence à l’heure où les centres commerciaux drainent chaque jour des dizaines de milliers de personnes, dans des conditions sanitaires plus incertaines, où tous les commerces sont rouverts, où les cultes peuvent célébrer des offices. Elle est même le signe d’un mépris à l’encontre des lieux de culture, d’un mépris à l’égard des millions de français qui se rendent habituellement dans ces lieux.

Cette mesure générale et indifférenciée, qui vient frapper l’ensemble de la création sur tout le territoire, est aussi aveugle des évolutions différenciées de la circulation du virus entre les régions françaises. La déconcentration, qui permettait de prendre des décisions plus fines et plus adaptées avec les situations épidémiologiques locales et qui avait été prônée il y a quelques mois par le Gouvernement au profit de la montée en puissance du couple Maire-Préfet, a malheureusement été délaissée, contrairement aux engagements du Premier ministre au moment de sa prise de fonction et aux décisions différentiées prises dans plusieurs pays.

Aux côtés des autres organisations professionnelles de la culture, la SACD demande donc au Conseil d’État d’obliger le Gouvernement à revenir sur les dispositions de fermetures généralisées des salles de cinéma et de spectacle et des théâtres et à adopter des mesures proportionnées aux risques sanitaires connus et réellement encourus, adaptés à la situation épidémiologique de chaque commune, département et région, afin de permettre la réouverture immédiate de ces lieux de culture, dans le respect de protocoles sanitaires stricts et des gestes barrière.

Tous unis par la volonté de se débarrasser du virus, nous devons aussi l’être et le rester pour que notre pays, celui de l’exception et de la diversité culturelles, ne renonce pas à trouver un juste équilibre entre urgence sanitaire et urgence culturelle en réalité tout autant justifié que l’équilibre décidé, le 28 novembre dernier lors de la réouverture des commerces non essentiels, entre urgence sanitaire et urgence commerciale.

Le référé-liberté Spectacle vivant est déposé par : la SACD, l’ADAMI, l’Association des scènes nationales, la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (Fesac), la Fédération nationale des syndicats de spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel et de l’action culturelle CGT, les écrivains associés du théâtre (EAT), le syndicat Les Forces Musicales, le Syndicat professionnel des producteurs, festivals, ensembles, diffuseurs indépendants de musique (Profedim), le syndicat Chorégraphes Associé.e.s, le Syndicat national des entrepreneurs de spectacles (SNES), le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), le Syndicat national des metteurs en scène (SNMS), le Syndicat national des scènes publiques (SNSP), le Syndicat national du théâtre privé (SNDTP), le Syndicat national des très petites et petites structures non lucratives de musiques actuelles (SMA), l’association Territoires de Cirque, l’association Théâtres privés en région, et l’Union fédérale d’intervention des structures culturelles (UFISC).