Audiovisuel 24 jan 2022

Nouvel accord sur la chronologie des médias : la SACD ne signe pas

La SACD explique pourquoi elle ne signe pas cet accord.

Pour moderniser la politique du cinéma et tenir compte des nouvelles obligations d’investissement dans la création des services de VOD issues du décret SMAD, la refonte de la chronologie des médias était une nécessité.

Malheureusement, le résultat de la longue concertation professionnelle qui s’est tenue ces derniers mois, avec l’appui du ministère de la Culture et du CNC dont les efforts de médiation doivent être saluées, ne permet pas à la SACD d’y apporter sa signature.

L’accord signé aujourd’hui contient des avancées nécessaires qui méritent d’être soulignées : l’avancée des fenêtres d’exposition pour les plateformes, la cohérence retrouvée avec des offres payantes qui bénéficient d’une exposition avancée par rapport aux services gratuits, l’harmonisation des conditions de la dérogation entre les films documentaires et les films de fiction que rien ne justifiait ou encore le maintien des protections dont bénéficient les salles de cinéma qui doivent rester le canal de diffusion par excellence des films. Il constitue également la dernière étape du processus de transposition ambitieux, pionnier en Europe, que le Premier ministre Jean Castex et la ministre de la Culture Roselyne Bachelot ont conduit depuis de nombreux mois. 

Mais, personne ne peut imaginer que les termes de cet accord peuvent aujourd’hui rester en vigueur pour une durée de trois ans. Les mutations rapides du secteur en termes d’offre, de technologie et de demande conduiront inéluctablement à une évolution rapide de la place du cinéma dans l’ensemble des offres disponibles sur le marché français. La conclusion de cet accord pour une durée de 3 ans apparait donc à la fois incompréhensible et déraisonnable. Et l’ajout ultime d’une clause de revoyure en cours de période ne change rien au fond : elle est sans effet sur la durée de l’accord, soit jusqu’en février 2025.

La crainte est d’autant plus forte que cet accord contient des novations spécifiques pour les plateformes, notamment dans le cadre des co-exploitations entre les services de SVOD et les chaînes gratuites qui accroissent encore les effets négatifs de la chronologie des médias française sur la disponibilité continue des œuvres de cinéma pour le public français. En effet, même si un film n’est acheté par aucune offre de télévision payante, il restera la plupart du temps complètement indisponible pendant 15 à 17 mois après sa sortie en salles, au grand dam des cinéphiles français. Cette très longue indisponibilité n’aura malheureusement que deux échappatoires aussi dangereuses l’une que l’autre. En premier lieu certains de ces films risquent tout simplement de ne pas sortir en salles avec des effets financiers immédiats sur la fréquentation et donc les ressources du compte de soutien du CNC alimentées par la taxe sur les recettes de billetterie des salles. En second lieu cette longue durée d’indisponibilité sera une puissante incitation au piratage des films concernés.

La durée aurait au moins dû être limitée à un an de façon à permettre très rapidement d’en mesurer les effets.

Pour les mêmes raisons, la SACD demande désormais au gouvernement de limiter à une durée d’un an l’arrêté d’extension qu’il prendra prochainement pour rendre l’accord obligatoire et opposable à tous. À l’issue de cette période d’un an, le gouvernement disposera des conclusions de la clause de revoyure prévue par l’accord et sera en mesure de statuer sur la prolongation ou non de cet arrêté d’extension.

Très attachée à l’existence d’une chronologie qui permette de trouver un juste équilibre entre l’objectif d’assurer une bonne exposition des films, de faciliter l’accès du public aux œuvres et la volonté de garantir un financement ambitieux du cinéma, la SACD est convaincue que les pouvoirs publics ont entre leurs mains les moyens d’éviter que le cinéma ne fige ses règles pour une durée incompatible avec les évolutions rapides d’un paysage audiovisuel et cinématographique en pleine mutation.

Au-delà de la question de la chronologie des médias, la SACD tient une nouvelle fois à féliciter la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot et le gouvernement de Jean Castex pour la transposition réussie de la directive SMA en France et appelle le gouvernement français dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne à promouvoir le modèle français de financement de la création.