Audiovisuel 08 juil 2022

La suppression de la redevance n’est ni une mesure de pouvoir d’achat, ni une sécurisation de l’audiovisuel public

A l’occasion de la présentation du projet de loi de finances rectificatives pour 2022, Gabriel Attal, ministre chargé des Comptes publics, a confirmé la volonté du gouvernement de supprimer la contribution à l’audiovisuel public dès 2022.

Il est étonnant que cette mesure, décidée sans concertation et sans évaluation sérieuse, continue à être présentée comme étant destinée à rendre du pouvoir d’achat aux Français. La réalité est toute autre : la disparition de la redevance entraînera une perte fiscale de 3,1 milliards d’euros que l’Etat compensera, pour assurer le financement des entreprises de l’audiovisuel public, avec le budget de l’Etat et donc l’argent des Français, y compris celui des 4 millions de foyers qui étaient exonérés de cette redevance.

Cet aventurisme fiscal autour d’une mesure générale, qui n’est pas ciblée et qui coutera très cher est d’autant plus incompréhensible que Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, a également souligné hier que la France avait désormais atteint sa côte d’alerte en matière de finances publiques. 

Plus grave encore, le gouvernement avait pris l’engagement d’encadrer une éventuelle suppression de la redevance et son remplacement par le budget de l’Etat de gages solides pour garantir l’indépendance, la pérennité et la visibilité du financement de l’audiovisuel public.

Toutes ces garanties, promises par le président de la République, Emmanuel Macron, alors candidat et rappelé la semaine dernière par Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture, devant la Commission de la Culture du Sénat, ont disparu dans la foulée de l’examen du projet de loi par le Conseil d’Etat, dont l’avis n’a pas été rendu public : la mise en place d’une Commission indépendante chargée de définir et de chiffrer les besoins de financement de l’audiovisuel public et les niveaux de ressources publiques nécessaires s’est envolée ; l’interdiction de procéder à des mises en réserve et à des régulations infra-annuelles s’est évaporée.

A la place, le gouvernement s’en remet à 4 mesures de protection qui sont malheureusement des chimères :

  • La création d’une mission budgétaire dédiée :  tous les budgets de la Nation étant présentés par mission, cette annonce n’est nullement protectrice.
  • Le versement de la subvention aux entreprises publiques en une seule fois en début d’année : cette mesure constitue une annonce politique, qui peut être défaite à tout moment faute d’un cadre juridique contraignant. Elle relève également d’une mauvaise gestion de la trésorerie de l’Etat.
  • Le vote d’une loi de programmation des finances publiques pour donner de la visibilité : A ce stade, l’élaboration de ce texte n’est pas achevée et les engagements qui y seront pris ne seront pas juridiquement contraignants.
  • La signature d’un contrat d’objectifs et de moyens entre l’Etat et les entreprises publiques : depuis 20 ans, aucun contrat d’objectifs et de moyens n’a été respecté par l’Etat.

Face à ce projet mal préparé qui vient insécuriser le financement et l’avenir de l’audiovisuel public et creuser davantage les déficits publics sans apporter de réels gains de pouvoirs d’achat pour nos concitoyens, la SACD formule deux propositions : d’une part, afin d’éclairer la représentation nationale, il est indispensable de rendre publics l’avis du Conseil d’Etat rendu dans le cadre de l’examen de ce projet de loi ainsi que le rapport commandé par le Premier ministre, Jean Castex, à l’Inspection générale des Finances et à celles des Affaires culturelles sur l’évolution de la contribution à l’audiovisuel public. Une audition des inspecteurs par la Commission des Finances s’impose également.

D’autre part, le Parlement doit résister à ce diktat de l’urgence imposé par le gouvernement et proposer de prolonger, de façon temporaire, la redevance, le temps de définir, dans la concertation, un nouveau mécanisme de financement affecté, garantissant davantage de justice fiscale, une modernisation de la taxe et un financement pérenne pour les entreprises de service public.