Cinéma 01 fév 2016

Christine Laurent rend hommage à Jacques Rivette

Christine Laurent, qui collabora au scénario de nombreux films de Jacques Rivette dont La Belle Noiseuse et La Bande des quatre, salue la mémoire du cinéaste, disparu le 29 janvier.

Il disait que le but du cinéma c’est que le monde réel raconté sur l’écran soit aussi une idée du monde. « Il faut voir le monde comme une idée, il faut le penser comme concret. »

Il voulait que chacun de ses films soit une aventure pour ceux qui faisaient partie de son équipe et aussi plus tard pour les spectateurs qui le verraient.

Nous, ses complices de travail, nous étions un peu comme des sœurs et des frères avec lesquels il conspirait et jouait à construire des histoires d’adultes, avec l’énergie et la gravité de l’enfance.

Pour lui, agencer les histoires, suivre le travail des dialoguistes, mettre en scène, monter, toutes ces phases en réalité ne formaient qu’un seul et grand arc, dont lui seul détenait l’intégralité du geste.

Au moment de tourner, il était à l’affût, prêt à capturer l’imprévu, le presque rien qu’il transformerait en occasion. Il ressemblait à un danseur inventant ses figures sur le rythme de la mélodie qu’il avait en tête. Aussi, de son corps à celui de ses acteurs se transmettait une sorte de fluide qui enchantait la séquence.

Jacques Rivette comme tous ses films l’attestent aimait les femmes et leurs secrets. Très tôt, Les filles du feu, annonçaient un corpus de films habité par des personnages féminins.

C’était le champion du geste libre, un acrobate qui exécutait ses tours sans filet.

Son sourire, son rire presque carnassier parfois, résonnera toujours à travers ses films.

Hélène Frappat évoque dans son livre Jacques Rivette, secret compris, la séquence finale de Va savoir, au cours de laquelle nous apprenons que la troupe est sauvée, le théâtre est sauvé, le monde est sauvé, « Nous sommes sauvés ». Tandis que la voix de Peggy Lee chante : Senza fine.

Jacques Rivette traduit le titre de cette chanson : « doit pouvoir être continué ». Puis il ajoute : « C’est une formule que j’aimerais mettre à la fin de tous les films. »

Christine Laurent

29 janvier 2016