Théâtre 08 nov 2017

Ecrire en duo : la méthode Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte

Les auteurs du Prénom étaient les invités de Mots en scène le 19 octobre.

Leur première pièce, Le Prénom, leur a permis de se faire un nom. Sept ans plus tard seulement, Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte sont des auteurs qui comptent dans le théâtre français. Invités d'Olivier Barrot à la Maison des Auteurs de la SACD, pour ouvrir la 5e saison du cycle de rencontres Mots en scène, ils sont revenus sur leur méthode de travail et sur la genèse de leurs textes, à commencer par celle du Prénom, créée en 2010.

Dîners de famille

A l'époque, Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte qui se connaissent depuis une quinzaine d'années ont essentiellement travaillé ensemble comme scénaristes pour le cinéma, parfois dans la douleur. "Nous avons appris le métier en travaillant à la commande sur des projets de studio, se souvient Alexandre de La Patellière. Nous étions parfois consternés du résultat. Nous sentions que nous perdions le plaisir." Ecrire une pièce leur apparaît alors comme un bon moyen de se ressourcer, sans penser une seconde au succès. "C'est compliqué d'écrire des films que vous n'aimez pas, explique Matthieu Delaporte. Avec le théâtre, on retrouvait le plaisir du dialogue."

Les deux auteurs ont déjà un bel argument autour duquel bâtir leur projet, cette idée de prénom polémique pour un futur enfant, qui va cristalliser des conflits larvés au sein d'un groupe d'amis. Un moyen de parler de la famille (en l'occurrence une famille d'amis), des rôles que chacun y tient et de ses dynamiques internes qui se trouvent ici bousculées et font éclater rancoeurs, non-dits et secrets. Matthieu Delaporte : "C'est une pièce sur les noms et surnoms que l'on se donne et qui sont plus importants que ceux que l'on a reçu à la naissance." Car le nom du bébé n'est finalement qu'un amuse-bouche à la vraie intrigue déployée plus tard dans la pièce. Une construction qui a pu surprendre les spectateurs. "C'est comme dans un repas de famille, vous passez sans cesse du coq à l'âne. Nous venons tous les deux de familles très politisées où l'engueulade est un sport hebdomadaire. Dans une engueulade, on se chauffe, puis ça se détend, ça devient un peu mou...". "Nous avions envie de nous promener entre les humeurs et que les spectateurs venus voir cette histoire de prénom se demandent ce qu'il se passe quand elle est réglée au bout de 30 minutes. Puis qu'ils commencent à se dire que tout ça pourrait mal finir", ajoute Alexandre de La Patellière.

Ecrire ensemble mais séparément

Concernant leur méthode de travail, les deux auteurs confient se retrouver tous les jours pour échanger mais refusent de qualifier leur écriture d' "à quatre mains". Alexandre de La Patellière : "L'ennemi, au théâtre, c'est le bavardage. Pour que ça reste à l'os, il vaut mieux construire ensemble et se séparer les scènes." Confirmation de son co-auteur : "La musique du dialogue est personnelle. Elle vient mieux seul qu'à deux. On commence par construire le chemin de fer de la pièce ensemble pendant des mois sans rentrer dans le dialogue. Sinon ce n'est plus la narration qui guide la pièce mais ce sont des scènes. Et c'est plus dur d'abandonner un dialogue qu'une idée de dialogue."

Parfois la pièce leur échappe comme ce fut le cas avec la dernière en date, Tout ce que vous voulez, montée cette année et comme pour leurs deux précédentes au Théâtre Edouard VII dans une mise en scène de Bernard Murat. Au départ, le duo souhaite aborder l'écriture avec le personnage central d'écrivain joué par Bérénice Bejo. "On voulait écrire sur la manière dont les histoires se font et se défont et à la première lecture, on s'est rendus compte qu'on avait écrit une histoire d'amour", explique Alexandre de La Patellière. "Nous pensions avoir écrit une histoire d'amour imbriquée dans une histoire d'écriture et nous avions en fait écrit l'inverse. Nous avons donc nettoyé les commentaires trop littéraires de la première version", précise Matthieu Delaporte.

Interrogés par Olivier Barrot sur l'éventualité de les voir un jour adapter d'autres de leurs pièces au cinéma comme ils le firent avec succès en 2012 avec Le Prénom, Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte demeurent prudents : "Nous ne voulons pas tomber dans un système. Il y a dans notre deuxième pièce, Un Dîner d'adieu, une théâtralité difficile à transposer à l'écran. Les acteurs Guillaume de Tonquedec et Eric Elmosnino nous en veulent d'ailleurs de ne pas l'adapter (rires)." Mais les deux hommes laissent la porte ouverte : "Pour Tout ce que vous voulez, nous y réfléchissons", concèdent-ils.