Théâtre 22 jan 2019

Isabelle Mergault, du cinéma au théâtre

La comédienne et auteure était l'invitée de la SACD pour Mots en scène le 17 janvier dernier.

 

"J'adore le théâtre. C'est ma place. Quand je mets les pieds sur scène, je le sens." Comédienne sur les planches de longue date et scénariste aguerrie, Isabelle Mergault aura néanmoins mis du temps à se frotter à l'écriture dramatique. Comme elle l'expliquait au journaliste Olivier Barrot dans le cadre du numéro de Mots en scène que la SACD lui consacrait le 17 janvier, elle a attendu 2011 pour signer sa première pièce, L'Amour sur un plateau. Pour elle, il s'agissait d'abord de se donner les rôles qu'on ne lui proposait pas : "Je me suis dit, si on ne m'embauche pas, eh bien je m'embauche moi." Sa complicité avec Laurent Ruquier, dont elle intègre la bande de chroniqueurs et chroniqueuses dès la fin des années 90 à la radio puis à la télévision, a été l'un des déclencheurs. "Il m'avait écrit une pièce qui avait été un succès et je me suis sentie légitime à écrire les miennes." 

Idoles

Après L'Amour sur un plateau où elle partage l'affiche avec Pierre Palmade, elle écrira et jouera Adieu je reste !, Ouh Ouh (coécrite avec Dave Cohen), Ne me regardez pas comme ça ! et La Raison d'Aymé. Parmi toutes ces pièces, Ne me regardez pas comme ça !, mis en scène par Christophe Duthuron au Théâtre des Variétés en 2015, tient une place particulière  dans son coeur car cette comédie sur une star vieillissante et recluse qui a banni tout miroir dans sa vie, fut l'occasion de partager la scène avec son idole Sylvie Vartan. "Dans une scène son personnage fait un malaise et je la rattrape. Tous les soirs, je n'en revenais pas d'avoir Sylvie Vartan dans mes bras. Au point d'oublier mes répliques parfois..."  

Avant d'écrire pour le théâtre, Isabelle Mergault fit ses armes d'auteure au cinéma, comme scénariste. "Au cinéma, j'ai souvent joué en petite tenue, on ne me faisait pas beaucoup parler. Je me suis vue vieillir dans le regard des réalisateurs et à un moment je n'ai plus eu envie d'apparaître dans des films. Alors je me suis mise à écrire des scénarios mais ils ne donnaient jamais ce que je voulais une fois à l'écran." Aujourd'hui peut-être... de Jean-Louis Bertuccelli qu'elle co-écrit et dialogue est l'occasion pour elle de rencontrer Giulietta Masina qu'elle part convaincre avec son réalisateur, à Rome, au domicile de l'actrice et de son époux, Federico Fellini. L'Italienne se fait un peu désirer : "Elle avait peur d'être noyée dans le casting et ne réalisait pas que Jean-Louis voulait la filmer elle. C'est Fellini, qui voulait sans doute s'en débarrasser pendant trois mois, qui l'a convaincue d'un "Tu nous emmerdes, tu seras la vedette." "

Miracles 

Elle écrit également Meilleur espoir féminin pour Gérard Jugnot, partenaire de longue date avec qui elle partage l'affiche de sa dernière pièce, La Raison d'Aymé. Puis passe à la réalisation en 2005 avec Je vous trouve très beau, son meilleur souvenir de cinéma. "Cette expérience de premier long-métrage fut magique et pourtant, je ne voulais pas le faire." L'acteur principal, Michel Blanc, n'a pas envie de porter lui-même à l'écran le scénario qu'elle lui a soumis et la pousse à passer derrière la caméra. Elle-même n'en a pas du tout envie, terrorisée  : "Je ne voulais tellement pas le faire que je me suis mise à exiger plein de choses, en espérant que les producteurs ne me donnent pas le film. On me proposait 7 semaines de tournage ? Non, j'en veux 9 ! On me dit tournage à Porte de la Chapelle ? Non, ce sera en Roumanie !" Face à de tels talents de négociatrice, ses interlocuteurs s'inclinent et cèdent à toutes ses demandes. Il faudra faire le film. Le premier jour, elle n'en mène pas large. "Nous étions en Roumanie, tous les corps de métier venaient me consulter, j'avais tellement la trouille qu'au lieu de dire "Moteur !" j'ai dit "Coupez !"' La suite tiendra heureusement du conte de fées : "Ensuite ça a été super. Le miracle du premier film. Magique !"      

Le miracle s'est aussi produit sur son premier roman, Un escargot tout chaud. A l'origine, un séjour en Normandie. La réservation court sur un mois, payée d'avance. Sur place, Isabelle Mergault découvre une vieille maison de grand-mère décrépite dans laquelle elle ne se voit pas rester ne serait-ce qu'une minute de plus. Coincée, coupée de toute distraction, elle saisit cette opportunité pour écrire le temps de ces vacances cette histoire de hold up dans une banque. Une expérience libératrice : "On a une liberté totale quand on écrit un roman. On n'est assujetti à aucun coût, aucune limite de durée, de décor. On peut faire passer des dromadaires si on veut - ce que je n'ai pas fait -, il n'y a aucun producteur qui vient vous l'interdire. A l'arrivée, je ne me suis pas tant évadée que cela : cette histoire, je l'ai coincée entre quatre murs, ç'aurait pu être une pièce." Pour l'auteure, ce fut en tout cas jubilatoire : "Moi au théâtre plus que des oeuvres, je fais des productions. Je produis des pièces. Une oeuvre pour moi, c'est quelque chose qu'on fait naître seul, sans intermédiaire : le roman, la peinture. Je suis contente de m'être essayée à ça. Je ne le referai plus."  Et la maison ? "Figurez-vous que je l'ai relouée depuis."