Danse 11 mar 2021

Hommage à Jean-François Duroure

Joanne Leighton, vice-présidente Musique et danse de la SACD, salue la mémoire du danseur et chorégraphe, disparu le 7 mars.

Lumineux et discret, un grand artiste de la scène chorégraphique nous quitte, un chorégraphe et danseur fulgurant, incisif, d’une immense grâce et élégance.

Jean-François Duroure, gymnaste accompli à dix ans, enchaîne les stages de danse, Odile Duboc, Josette Baiz et puis Andy Degroat, Mark Tompkins, Hideyuki Yano. Il prend des cours à quartorze ans chez Dominique Bagouet qui vient de s'installer à Montpellier. Il est diplômé de la Fédération française, option danse classique et jazz à 16 ans. Accepté à The Place à Londres, il choisit à 16 ans celle du Centre national de danse contemporaine d'Angers (CNDC) qui va ouvrir avec Viola Farber, chorégraphe américaine. Après sept mois d’école, il entre dans la compagnie Viola Farber, disciple de Merce Cunningham et danse avec François Verret où il rencontre Mathilde Monnier. En 1984, il obtient une bourse du Ministère de la Culture. Ils s’expatrient tous les deux à New York pour étudier la technique Cunningham de ce grand maître chorégraphe et pédagogue américain.

Jean-François Duroure et Mathilde Monnier créent leur premier duo espiègle, combatif et humoristique, Pudique Acide en 1984 à New York. Accompagné d’une musique de Kurt Weill, ce duo est une explosion irrévérencieuse et virtuose, un mélange des genres dans l’impertinence des costumes, tutu et froufrous blancs, kilts et le choix de la musique. Leur danse éclate et explore toutes les possibilités du paraître et de l’être. Leur second duo, Extasis, est créé en 1985 à la Maison de la danse de Lyon.

A 19 ans, une semaine après la création de Pudique Acide, Pina Bausch l'engage au Tanztheater de Wuppertal en Allemagne où il participa à la création d’Auf dem Gebirge hat man ein Geschrei gehört, puis reprend le rôle de Jacques Patarozzi dans la pièce Renate wandert aus.

Créés en pleine émergence de la jeune danse contemporaine française des années 80 éprise de liberté, Pudique acide et son second volet Extasis, marquent un tournant et projettent les danseurs dans leur époque. S’ensuivront dans le cadre de leur association De Hexe, Mort de rire et le film Nuit de Chine (1987). Leur univers apporte une fraîcheur pétillante et virtuose, emblématique de l'épisode charnière de l’histoire de la  jeune danse française.

En 1988, il fonde la compagnie Jean-François Duroure. Il crée La Anqâ (1988), La Maison des plumes vertes (1988), Cosmono nox (1990), C’est à midi que l’obscurité s’achève (1991). En 1993, trois créations seront présentées au Festival d'Avignon au Cloître des Célestins : Le Langage des Oiseaux, L'Ephémère et La Nuit Partagée. Cette dernière ouvre la voie de la première collaboration d'envergure mêlant danse contemporaine et danse urbaine. Précurseur sur ce terrain, de nombreux chorégraphes continueront par la suite à explorer ces nouveaux horizons. Rossignol & Palimpseste (1993) inaugure cette fois le champ du spectacle jeune public avec une exigence créative sans concession. Après une tournée de plus de 80 dates en France, il s'envolera en 1994 au Ghana pour collaborer avec le Ballet National du Ghana. 1995 sera l'année du Jazz et d'une collaboration mémorable avec la Compagnie Lubat avec laquelle il créera un spectacle baroque et flamboyant intitulé L'Enchantier, une trans musicale qui fera l'ouverture du Festival Sigma de Bordeaux. Ce sera également l'occasion de rencontres artistiques mémorables avec l'accordéoniste Marc Perrone pour un duo lumineux et cinématographique.

En 1996, le Festival Fin de Siècle de Nantes, qui rendra un hommage d'envergure à l'Afrique du Sud en invitant plus de 200 artistes, commande à Jean-François Duroure la soirée d'ouverture au Palais des Congrès. Sa création What are you doing here ? voit le jour après plus de 18 mois de résidence à Johannesburg (Soweto, Eastrand et Alexandra). Très appuyé par le nouveau gouvernement de Mandela, le spectacle se produira au théâtre mythique The Market Theater de Johannesburg avant de partir pour une tournée en France et à Durban au Kwazulu Natal. Barbara Masekela, figure de la lutte anti-apartheid et ambassadrice d'Afrique du Sud en France assistera à une représentation exceptionnelle au Manège de Reims. Jean-François Duroure explore tous les champs de la création, chorégraphique, corps et voix, texte et écriture chorégraphique. Il est chorégraphe sur trois pièces mises en scène par Georges Lavaudant : Terra incognita (1993), Hamlet (1994) et Lumières (1995), sur une pièce mise en scène par Marcel Maréchal, Les Enfants du Paradis (1997), puis sur Peer Gynt (2004) avec le metteur en scène Patrick Pineau.

Mathilde Monnier recrée avec Jean-François Duroure Pudique acide / Extasis au festival Montpellier Danse (2011), dans le désir de réappropriation et de transmission d'un matériau de création à deux nouveaux danseurs. Pour Jean-François Duroure, la danse est transmission.

En 2001, il devient chorégraphe responsable des études chorégraphiques au Conservatoire Cité de la Danse et de la Musique de Strasbourg où il affine une pédagogie de la danse de l'improvisation et de la création individuelle comme expression de l'intériorité humaine. Transversalité, richesse des rencontres entre les individus, pédagogie et création, avec des professionnels, des amateurs, Jean-François Duroure développe un enseignement personnel basé sur l'étude du mouvement, sa dynamique, sa qualité et sur la présence scénique nécessaire que l'on peut atteindre en relation avec les autres arts et notamment celui de la musique.

La SACD se joint à l’ensemble des auteurs et autrices qu’elle représente, pour envoyer ses sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

Joanne Leighton, vice-présidente Musique et danse de la SACD.

 

Cérémonie funéraire

Mardi 16 mars 2021 à 14h.

Eglise Protestante Saint-Pierre-le-Jeune à Strasbourg.

 

Photo publiée par Jean-François Duroure sur son compte Instagram