Cinéma 26 mai 2017

"En 10 ans, Orange Studio a coproduit près de 140 films"

Pour sa dernière rencontre cannoise, la SACD a reçu David Kessler, directeur général d'Orange Studio, filiale du groupe Orange.

Un Studio qui s'investit 

L'engagement d'Orange dans le cinéma est une stratégie durable du groupe. Il se traduit à la fois par l'activité des chaînes de Televisions d'Orange, avec son bouquet OCS, par l'offre de vidéo à la demande qui a été développée et également par ses investissements dans la production cinématographie via Orange Studio qui fête cette année ses 10 ans. Durant cette période, la filiale a coproduit 130 à 140 films.

Pour autant, l'activité d'Orange Studio va au-delà de la coproduction : le studio s'est notamment imposé comme l'un des principaux cataloguistes français avec des acquisitions nombreuses. Aujourd'hui, le Studio a un catalogue de 1300 titres disponibles composé de 700 films de cinéma et de 600 œuvres audiovisuelles. Dans le périmètre de son action, le Studio prend des mandats pour les droits salles, télévision ou international. Alors que jusqu'à present, il commissionnait des distributeurs ou des vendeurs internationaux, il souhaite désormais internaliser les ventes internationales.

Un récent accord a été conclu avec UGC pour distribuer quelques-uns des titres des films coproduits par le studio. La nouveauté de cet accord est qu'UGC a accepté d'en assurer la distribution mais en gardant et en exposant la marque Orange.

Pascal Rogard a également interrogé David Kessler sur les mutations du secteur et sur les grands enjeux de la politique culturelle.

Quelle place pour les opérateurs de télécom ?

Celui-ci jette notamment un regard circonspect sur le déploiement d'Altice et n'est pas convaincu par sa logique tendant à miser sur une convergence totale, voire une fusion des tuyaux et des contenus. Les investissements extrêmement importants consentis, pour l'instant dans les droits sportifs, posent la question de l'amortissement de ces coûts. Orange, qui avait développé une stratégie similaire, en investissant près d'un milliard d'euros dans les contenus, a changé de stratégie face aux coûts induits. Désormais, Orange s'inscrit dans une démarche d'agregateur-distributeur avec un objectif clé : distribuer aux clients d'Orange le plus grand nombre de contenus.

Autre actualité, la demande de TF1 et de M6 de faire payer aux télécoms la reprise du signal télé et de leurs chaînes ne lui semble pas avoir de sens. Il y voit plusieurs limites : les chaînes ont toujours accepté cette gratuité de la reprise sans y voir de problèmes ; les fréquences hertziennes sont attribuées gratuitement aux opérateurs audiovisuels (à la différence des fréquences télécoms qui sont payantes) et ont pour contrepartie une couverture générale et la plus large possible pour le signal ; les télécoms rémunèrent déjà les services associés comme la télévision de rattrapage. Globalement, il ne perçoit aucune captation indue de valeur par les télécoms dans la mesure où TF1 perçoit l'intégralité des recettes publicitaires de TF1 sans aucun partage avec les télécoms. Il y voit enfin un risque pour ces chaînes : si TF1 n'était plus présente sur les offres des télécoms, ils perdraient des parts très conséquentes de leur audience et affaibliraient par là même leur attractivité publicitaire pour les annonceurs.

Repenser la politique culturelle

A la suite de l'élection du nouveau président de la République, David Kessler est revenu sur plusieurs enjeux forts qui doivent structurer la politique culturelle et son renouveau. Le constat de départ est d'abord celui d'un essoufflement de nos politiques. Selon lui, il est urgent de retrouver l'enjeu social de la culture en parvenant à toucher ceux qui sont éloignés de la culture mais aussi en ouvrant la politique d'aide et d'accompagnement aux créateurs et compagnies qui en sont exclus : "il y a aujourd'hui ceux qui sont du bon côté de la rampe et ceux qui n'y sont pas." Concernant la politique audiovisuelle, pensée dans un monde non numérique, il milite pour une régulation des acteurs mondiaux en faveur de la création et pour une réforme de notre système afin de créer des acteurs nationaux plus forts, en veillant à concilier 3 intérêts : celui des professionnels, celui des créateurs et celui du public dont les goûts et comportements ont beaucoup évolué.

Enfin, et en guise de conclusion sur un sujet qui a beaucoup animé les débats cannois cette année, une révision en profondeur de la chronologie des médias lui paraît indispensable. Tout en veillant à protéger les opérateurs qui financent le cinéma et qui doivent de ce fait bénéficier d'avantages, il a fait le constat que la logique globale allait dans le sens d'un raccourcissement des délais et des fenêtres de diffusion.