Théâtre 06 déc 2016

René de Obaldia : la grâce et le travail

Le poète, romancier et dramaturge était l'invité d'Olivier Barrot pour une rencontre Mots en scène à la SACD le 30 novembre. Il était accompagné de Lucien Jean-Baptiste, qui a rejoué sur la scène de la Maison des Auteurs, une partie du monologue Rappening. A revoir en intégralité en vidéo.

Avant de se consacrer à son invité du soir, Olivier Barrot s'est livré - nouvelle formule de Mots en scène oblige - à une brève présentation d'ouvrages théâtraux. Dans sa sélection : Jean Moulin évangile (L'Avant-scène théâtre), une "pièce gonflée" de Jean-Marie Besset ; une nouvelle édition chez Actes Sud de L' Art du présent, recueil d'entretiens entre Ariane Mnouchkine et Fabienne Pascaud ; les ressorties chez Folio Théâtre de deux pièces actuellement jouées à la Comédie française, La Ronde d'Arthur Schnitzler, dans une nouvelle traduction, et Le Petit-Maître corrigé de Marivaux ; Flamboyant Second empire ! de Xavier Mauduit et Corinne Ergasse, qui comporte un instructif chapitre sur le théâtre.

Mais la lecture qu'Olivier Barrot a le plus chaudement recommandé, c'est évidemment celle du Théâtre complet de René de Obaldia, 1300 pages à retrouver chez Grasset. Une somme qui ne représente qu'une partie de l'oeuvre de l'auteur âgé de 98 ans, également romancier et poète, et sur laquelle il accepté de se pencher une fois de plus pour le public de la Maison des Auteurs-SACD.

Galerie de grandes figures du théâtre français

Pas avare en anecdotes, René de Obaldia a convoqué une impressionnante galerie de grandes figures du théâtre français, via ce mot de Jean Vilar avant même qu'il devienne dramaturge : "Obaldia, vous devriez faire du théâtre", ou via cet autre adressé par l'ancien administrateur de la Comédie française Pierre-Aimé Touchard, prophétique, après les succès de Génousie et du Satyre de la Villette au début des années 60 : "Obaldia, ce qu'il faut, c'est durer." Ou encore via l'évocation (à voir en vidéo à 28'20) de cette invraisemblable première de Du vent dans les branches de sassafras en 1965 avec un Michel Simon incapable de retenir son texte : "Un naufrage, mais une ovation..."

Face à Olivier Barrot, René de Obaldia s'est montré plus succinct quand il s'agissait d'évoquer le processus d'écriture qui est le sien. "C'est dur d'expliquer mon oeuvre, il vaut mieux la jouer" s'est-il excusé. Il a tout de même confessé choisir le sujet de ses pièces selon ses "hantises" du moment, puis se laisser guider par une forme de grâce ("c'est mystérieux pour moi, je ne suis pas cartésien") avant de se mettre sérieusement au travail. Et l'auteur de citer Paul Valéry : "Les dieux, gracieusement nous donnent pour rien le premier vers, mais c'est à nous de façonner le second."

De la grâce et du travail, il en aura fallu pour bâtir tous ces succès : Le Général inconnu, Le Grand Vizir, L'Azote, Edouard et Agrippine, Le Cosmonaute agricole, La Baby-Sitter, Et à la fin était le bang, Les Bons bourgeois ou encore Rappening. C'est un extrait de ce dernier texte qu'a joué sur la scène de la Maison des Auteurs Lucien Jean-Baptiste (en vidéo à partir de 1h03'15). Le comédien et cinéaste connaît parfaitement ce monologue d'un homme à sa sortie de prison : il en fut l'interprète au Théâtre 14 en 1999. Obaldia, il vaut mieux le jouer ? Dont acte. Un moment précieux.