Cinéma 09 nov 2020

Hommage au cinéaste argentin Fernando Solanas

Bertrand Tavernier, qui le connaissait bien, salue la mémoire de ce réalisateur engagé.

Fernando Solanas, Pino pour ses amis, vient de disparaitre. Dans les années 60, il appelle à la création d'un troisième cinéma qui ne soit pas une prolongation du cinéma européen ni hollywoodien. En 1968, il  crée un coup de tonnerre en coréalisant clandestinement avec Octavio Getino le documentaire L'HEURE DES BRASIERS, manifeste esthétique et politique du mouvement. Ce film majeur, anti-néocolonialiste, péroniste et activiste, est interdit jusqu'à la fin de la Dictature de la Révolution argentine en 1973. Il est aujourd'hui considéré comme un classique du documentaire militant et engagé.

Même si la teneur péroniste du discours a parfois vieilli, le film frappe encore par sa virtuosité dans le montage, sa véhémence passionnée, sa conviction. Contraint par la dictature militaire à l’exil, il se refugie à Paris avec sa famille et je l’aide à réaliser un beau témoignage sur cet exil TANGOS, L’EXIL DE GARDEL, émouvante méditation sur la mémoire, l’importance des racines. Je lui donnerai un coup de main pour ses deux films suivants, LE SUD et VOYAGES, tous deux primés à Cannes.

Il se fait élire comme député centre gauche du Frepaso (Front pour un pays solidaire) entre 1993 et 1997 et fait venir à Buenos Aires de nombreux cinéastes français dont Costa Gavras pour défendre la liberté d’expression et le droit d’auteur. Il participe ensuite aux élections présidentielles argentines de 2007, à la tête du mouvement Proyecto Sur, contre Cristina Kirchner dont il critique « la politique économique libérale. Dans un attentat, il est blessé à la jambe.

Il sera sénateur de 2013 à sa mort et se battra pour l’écologie et l’environnement. Il réalisera de magnifiques documentaires, des cris d’alarme dénonçant le saccage de son pays par les multinationales : MEMOIRE D’UN SACCAGE, LA DIGNITÉ DU PEUPLE, après avoir été choisi pour représenter l’Argentine à l’Unesco. J’adorais Pino, sa chaleur, son rire, son engagement et je tenais à saluer la disparition d’un grand cinéaste, d’un grand témoin, d’un ami. 

Bertrand Tavernier