Cinéma 13 nov 2020

Hommage à Nelly Kaplan

La cinéaste Marie-Castille Mention-Schaar, présidente de la Commission Cinéma de la SACD, salue la mémoire de cette autrice libre et obstinée.

« Obstination ! Obstination !  Obstination ! » Voilà ce que répétait Nelly Kaplan quand elle évoquait ce dont une femme a besoin dès qu’elle veut accomplir quelque chose dans la vie. Et la vie de celle qui s’est éteinte hier, le 12 novembre, à 89 ans  n’en a été que la démonstration flamboyante. A 22 ans, elle quitte l’Argentine et ses parents qui la considèrent comme une « révoltée ». Le cinéma et la littérature sont ses deux passions. Elle a 50 dollars en poche et une lettre de recommandation du directeur de la Cinémathèque Argentine. Henri Langlois va lui ouvrir les portes de la Cinémathèque.

Elle y rencontre un soir Abel Gance. Il lui propose de travailler avec lui. « Je n’ai pas un sou pour vous payer mais je vous apprendrai tout. » Fascinée par le cinéaste, elle accepte. Elle devient au fil des mois son assistante réal sur La Tour de Nesle et Magirama puis la réalisatrice de sa deuxième équipe sur Austerlitz. Elle se retrouve aussi devant la caméra dans deux de ses films. Passage nécessaire selon Gance pour maîtriser la mise en scène et la direction d’acteurs. En 1959, Nelly Kaplan commence à écrire puis à réaliser des courts métrages.

Encouragée alors par celui qu’elle va accompagner jusqu’à la fin de sa vie, Claude Makowski, elle écrit un premier long métrage, La Fiancée du Pirate. Personne ne veut le produire. Kaplan et Makowski créent alors leur société de production. Le film interprété par Bernadette Lafont est sélectionné à la Mostra de Venise en 1969. Mais arrive le passage du film à la censure. Le verdict tombe : interdiction totale ! Folle de rage, Kaplan fait le siège de l’officier ministériel en charge. « Votre personnage principal est immoral. Elle couche avec des hommes pour de l’argent. Faites la mourir et je retire l’interdiction ! » Kaplan menace de déclarer la guerre à la censure avec tous ses amis très puissants. Elle bluffe mais ça marche. Elle arrache une interdiction pour les moins de 18 ans ! Elle aimait les obstacles car elle aimait les surmonter.

La Fiancée du Pirate, Papa, Les Petits Bateaux, Néa, Plaisir d’Amour, quasiment tous les films de Nelly Kaplan célèbrent la femme dans toutes ses libertés, ses audaces, son désir, sa féminité.

Elle détestait les « sectes », les inquisiteurs. « Si quelqu’un vous dit "Résignez vous", il faut le chasser tout de suite d’un grand coup de pied au cul ! » Nelly Kaplan avait adopté la devise d’Abel Gance et, avant lui, de St Just.

« OSEZ ! ». Je ne l’oublierai pas.

Nelly a été très présente à la SACD, siégeant durant plusieurs années au Conseil d'administration, à la Commission de contrôle du budget. Nelly avait reçu en 2011 la médaille d'honneur de la SACD pour son engagement en faveur des auteurs.

Merci Madame.

Marie-Castille Mention-Schaar, présidente de la Commission Cinéma

 

Photo : ©  LN Photographers/SACD